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Esprit de compromis et flexibilité : le Tribunal fait un rappel aux syndicats de copropriété et les copropriétaires

Esprit de compromis et flexibilité : le Tribunal fait un rappel aux syndicats de copropriété et les copropriétaires

Dans une décision récente de la Cour du Québec, division des Petites créances, le Tribunal a cru important de rappeler aux administrateurs d'un syndicat de copropriété, ainsi qu'à un copropriétaire l'importance pour chacun de faire preuve de flexibilité dans leurs relations.
Le Tribunal a souligné que, bien souvent certaines personnes décident de contribuer à l'essor de leur copropriété en participant activement à la gestion de l'immeuble. Les administrateurs, bien que régulièrement de bonne foi, doivent agir avec prudence, diligence, honnêteté et loyauté, et ce, dans l'intérêt du syndicat.
Toutefois, dans le dossier en question le Tribunal juge que tous les intervenants au dossier ont participé à rendre la situation explosive, et que cette approche devra être modifiée de part et d'autre, et que les parties devront apprendre à exercer leurs droits respectifs en ayant à l'esprit que la bonne foi doit gouverner leur conduite.
Les prétentions des parties
Le copropriétaire réclame 7 000 $ au Syndicat suite à la publication d'une hypothèque légale grevant son unité de condominium, notamment, le remboursement de la somme de 1 980,04 $ qu'il a dû débourser afin de payer les frais de publication et de radiation de l'hypothèque légale. Il prétend que cette hypothèque n'aurait pas dû être publiée, toutefois, il n'a jamais présenté de demande en justice pour demander la radiation de cette hypothèque. Il réclame, aussi, 5 019,96 $ à titre de dommages-intérêts. Il prétend que la publication de l'hypothèque légale a porté atteinte à sa réputation tout en lui causant des troubles, du stress et de l'inquiétude.
Pour sa part, le Syndicat soutient que la publication de l'hypothèque légale est conforme à la loi et à la Déclaration de copropriété. Aussi, selon le Syndicat, le copropriétaire ne démontre pas que sa réputation a été entachée par les agissements du Syndicat.
Les faits
Le Syndicat fait parvenir un document au copropriétaire faisant état que des sommes impayées totalisent 2 121,55 $. Le document fait état de plusieurs dépenses, dont certaines portent la mention qu'elles sont refusées par le copropriétaire en question. Peu de temps après, une hypothèque légale est publiée sur le condo du copropriétaire,
Bien que le copropriétaire soit en désaccord avec la légitimité de cette hypothèque légale, il se résigne à payer 1 980,04$ au syndicat pour les frais engagés par ce dernier pour la publication et pour la radiation de l'hypothèque légale, car la radiation était une condition pour obtenir un nouveau financement sur son condo (partie privative).

Le copropriétaire témoigne qu'il n'y avait pas matière à publication d'une hypothèque légale. Selon lui, certaines sommes ne pouvaient faire l'objet d'une telle procédure et d'autres avaient été offertes au Syndicat, mais avec la mention qu'il réservait ses droits de contester cette dette à un moment ultérieur.
Il soutient que toute cette histoire lui a causé des dommages en portant atteinte à sa réputation puisque la publication d'une hypothèque légale démontre, selon lui, qu'il serait un mauvais payeur. Il dit avoir subi beaucoup de stress et d'inquiétude de toute cette saga avec le Syndicat.
ANALYSE ET DÉCISION DU TRIBUNAL
Le copropriétaire doit démontrer que la publication de l'hypothèque légale, par le Syndicat, était injustifiée dans les circonstances, et il doit démontrer qu'il a subi des dommages suite aux agissements du Syndicat.
Les sommes réclamées pour l'entretien et la réparation des parties communes (jardin communautaire) ont été légitimement adoptées au budget à titre de dépenses faites dans l'intérêt commun des copropriétaires. Toutefois, en vertu de la Déclaration de copropriété, elles ne font partie ni des charges communes, ni du fonds de prévoyance. Comme il ne peut y avoir d'hypothèque légale que pour les charges communes et le fonds de prévoyance, l'hypothèque légale, sur la seule base de cette réclamation, n'était pas justifiée.
Toutefois, le copropriétaire, a avisé le Syndicat que la somme due relativement à la réparation de poutres serait payée dès réception du rapport de l'ingénieur ayant procédé à l'analyse de la situation des poutres. Une offre de paiement sous protêt a été réitérée par le copropriétaire mais elle est demeurée sans réponse de la part du Syndicat.
Quant aux dépenses de charges communes jugées légitimes par le Tribunal, quatre chèques ont été transmis au Syndicat, mais n'ont pas été encaissés, et la lettre accompagnant les chèques démontre que l'intention du copropriétaire était de payer ces sommes tout en se réservant le droit de contester leur légitimité devant les tribunaux. Le recouvrement de ces sommes par le Syndicat était justifié, mais la méthode utilisée est démesurée face aux intentions avouées du copropriétaire de les payer.
Quant aux sommes réclamées (environ 35$) par le syndicat pour une réparation que le copropriétaire avait l'obligation de faire lui-même, bien que théoriquement le recouvrement de cette somme est garanti par une hypothèque légale, la méthode utilisée en regard de la somme due et des relations entre le Syndicat et le copropriétaire est, de l'opinion du Tribunal, démesurée.
Les charges pour la papeterie, lettres recommandées à l'avocat du copropriétaire, photocopies, déplacements des administrateurs, intérêts sur chacune des sommes réclamées, découlent toutes de la situation conflictuelle qui s'est installée entre le Syndicat et le copropriétaire. Bien que certaines de ces sommes peuvent être garanties par une hypothèque légale, toutefois, elles ne sont que les accessoires des autres sommes réclamées plus-haut et ces frais n'auraient pas été engagés si le Syndicat avait encaissé les chèques émis par le copropriétaire qui réservait son droit de contester les sommes dues à un moment ultérieur.
Conclusion
Selon le Tribunal, le copropriétaire a démontré que «le recours à une hypothèque légale n'était pas justifié pour certaines sommes et a été démesuré pour d'autres». Le Tribunal estime que «le syndicat a contrevenu à ses devoirs de gestionnaire prudent, diligent, honnête et loyal et que le copropriétaire devra donc être indemnisé».
Toutefois, et toujours selon le Tribunal «Il n'y a aucune preuve démontrant une atteinte à la réputation du copropriétaire, mais il a dû débourser la somme de 1 980,04 $ afin d'obtenir la radiation d'une hypothèque légale qui n'avait pas sa raison d'être et cette somme devra lui être remboursée.»
Quant à la réclamation pour troubles et inconvénients, selon le Tribunal, «l'ensemble de la preuve démontre que toute la situation a causé au copropriétaire beaucoup de stress et de tracas.». Le Tribunal, en regard de la preuve présentée, accorde une somme qu'il considère raisonnable dans les circonstances soit 500$
La demande du copropriétaire est donc accueillie en partie et le syndicat est condamné à payer la somme de 2 480,04 $ plus les intérêts et frais judiciaires.

Me Kevin J. Lebeau, avocat

Diplômé de l'Université McGill (B.A.) et l'Université de Montréal (LL.B.), Me Lebeau est membre du Barreau du Québec depuis 2000.

Depuis 2001, il a exercé en droit immobilier avec concentration en droit de la copropriété dans plusieurs contextes, dont en milieu d'association, en société et en contentieux d'entreprise au sein d'une firme de gestion se spécialisant dans la gestion des copropriétés divise, Gestion Immobilière Ges-Mar Inc. Me Lebeau est également conseiller juridique aux membres d'Avantages Condo.

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