Dans une décision récente de la Cour supérieure1, le Tribunal avait à juger si des blessures corporelles subies par une copropriétaire de l'immeuble engageaient la responsabilité civile du syndicat de copropriété en raison de son devoir d'entretenir adéquatement les parties communes de l'immeuble.
La décision, laquelle comporte quatorze pages, traite la preuve médicale de la copropriétaire, ainsi que la contre-preuve du syndicat en détail. Nous traiterons toutefois seulement du raisonnement du Tribunal par rapport à la question à savoir si la responsabilité du syndicat pouvait être engagée, ou non.
Résumé des faits retenus par le Tribunal
La copropriétaire demanderesse prétend avoir subi des blessures suite à une chute dans le vestibule de l'ascenseur de l'immeuble au niveau du stationnement intérieur de l'immeuble. Les faits en preuve démontrent que la copropriétaire a fait une chute en raison de la présence d'une flaque d'huile d'olive sur le plancher de béton du vestibule. La copropriétaire se rendait à son condo après son quart de travail comme médecin et après avoir fait son épicerie. Elle reproche au syndicat d'avoir manqué à son devoir d'assurer, selon elle, que le plancher du vestibule soit en tout temps propre et sécuritaire.
Pour sa part, le syndicat soumet qu'il s'agit d'un événement accidentel regrettable, et non pas d'une faute de la part du syndicat.
Le matin de l'accident, la copropriétaire a passé par le même vestibule pour joindre le garage de l'immeuble et sa voiture pour se rendre à son travail. Selon elle, à ce moment il n'y avait rien d'anormal, et le plancher était alors propre et sec.
Lors de son retour à l'immeuble vers 13h00 le même jour, elle emprunte le même chemin pour rejoindre l'ascenseur au niveau du garage, mais cette fois-ci elle glisse subitement sur une flaque d'huile d'olive sur le plancher du vestibule devant l'ascenseur. Elle subit des blessures à la cheville et à la hanche.
Le droit applicable selon le Tribunal
Dans son analyse, le Tribunal rappelle que l'article 1077 du Code civil du Québec impose une responsabilité au syndicat pour le préjudice causé à autrui, entre autres en raison d'un manque d'entretien des parties communes de l'immeuble. Toutefois, le Tribunal souligne que cet article n'a pas pour effet de créer une présomption de responsabilité pour le syndicat. La copropriétaire doit donc prouver que le syndicat a été négligent dans l'entretien du plancher du vestibule, et que les blessures causées à la copropriétaire sont une conséquence directe de cette négligence.
Le Tribunal précise toutefois, que le syndicat ne peut être tenu de rigueur au plus haut standard de perfection, mais doit plutôt prendre les moyens raisonnables. Il rappelle également que, comme dans la présente cause, le temps qui s'écoule entre la manifestation d'une situation dangereuse, et des moyens pris par le responsable des lieux est crucial pour déterminer s'il est responsable de l'accident.
Le syndicat admet que la flaque d'huile pouvait être qualifiée d'un piège au sens tel que défini par la jurisprudence, c'est-à-dire 1) qu'il s'agissait d'une situation dangereuse inhérente; 2) difficile à détecter; 3) dont la survenance est anomale de manière à prendre par surprise. Le Tribunal mentionne que les faits du dossier répondent justement à ces critères. Le Syndicat confirme que sans connaissance de la chute de la copropriétaire, l'un des administrateurs a glissé sur la même flaque d'huile vers 20h00 le même jour. L'administrateur confirme que la flaque d'huile était effectivement difficile à détecter.
Mais le Tribunal précise qu'il doit y avoir négligence de la part du syndicat pour que ce dernier soit tenu responsable. La copropriétaire témoigne que jusqu'au jour de l'accident, qu'elle était satisfaite de l'état de l'immeuble et de son entretien et propreté, et qu'il n'y avait rien d'anormal par rapport au plancher lorsqu'elle a quitté l'immeuble le matin de l'accident. Il y a une firme d'entretien qui est retenue par le syndicat et qui s'occupe du ménage de l'immeuble deux jours par semaine, soit tous les lundis et jeudis.
Or, l'accident est survenu un dimanche, lorsque la compagnie d'entretien n'était pas présente. De plus, il n'y a aucune preuve à savoir quand l'huile a été déversée sur le plancher, ni qui l'a fait, et personne n'a porté cette situation à la connaissance du syndicat avant la chute de la copropriétaire.
La copropriétaire reproche au syndicat de ne pas avoir mis en place un système de vidéo-surveillance des lieux, ainsi que d'engager un surintendant ou un gardien de sécurité vingt-quatre heures par jour pour effectuer des tournées d'inspection régulières.
Le Tribunal ne retient pas cet argument, car la copropriétaire n'a pas prouvé que de telles mesures auraient pu éviter sa chute, car il n'y a aucune preuve qu'un surintendant ou un gardien aurait remarqué la flaque d'huile. De plus, un système de vidéo-surveillance serait efficace seulement si une personne engagée par le syndicat avait pour tâche de visionner les écrans à tout moment de la journée.
Le Tribunal rappelle que le syndicat serait négligent seulement lorsqu'il est en défaut de respecter les règles de conduite qui lui incombent en raison des circonstances, les usages ou la loi. Dans les circonstances, le Tribunal est d'avis que les mesures de sécurité réclamées par la copropriétaire seraient exorbitantes pour le syndicat qui ne compte que trente-huit unités d'habitation. Alors, le syndicat n'a pas l'obligation de prévenir tous les incidents possibles, mais il a l'obligation d'agir avec prudence et diligence, ce qu'il a fait selon le Tribunal.
Conséquemment, le Tribunal a rejeté la réclamation en dommages de la copropriétaire contre le syndicat, laquelle se chiffrait à plusieurs centaines de milliers de dollars.
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