Dans un jugement récent de la Cour du Québec, division des petites créances, lequel a jugé en même temps sept demandes distinctes de la part de copropriétaires contre leur syndicat de copropriété et son assureur1, le Tribunal a reconfirmé le principe par lequel les décisions du syndicat sur des travaux majeurs de fonds de prévoyance et l'émission d'une cotisation spéciale afférente, ne doivent pas être adoptées au moyen d'un vote majoritaire de l'assemblée des copropriétaires.
Les prétentions des parties selon le Tribunal
Les sept copropriétaires d’unités de copropriété divise dans un immeuble de 72 unités, contestent la décision du conseil d’administration du Syndicat des copropriétaires d’imposer une cotisation spéciale pour des travaux relatifs à la conservation et à l’entretien de l’immeuble et en demandent le remboursement. Ils poursuivent en même temps le syndicat et son assureur.
Les copropriétaires plaident que cette cotisation est illégale puisqu’elle, selon les copropriétaires, n'a pas été approuvée ni adoptée au budget par l’assemblée générale des copropriétaires, tel que requis par la déclaration de copropriété et le Code civil du Québec (C.c.Q.).
Le Syndicat soutient que les travaux exécutés sont urgents et relèvent de la compétence et des pouvoirs du conseil d’administration et non de l’assemblée des copropriétaires.
Il est à noter que les copropriétaires ont accepté de se désister de leurs demandes respectives contre l'assureur du syndicat, chaque partie payant ses frais.
Les questions en litige selon le Tribunal
Selon le Tribunal, il fallait déterminer si la cotisation spéciale transmise aux demandeurs doit faire l’objet d’une approbation et d’une adoption préalable par l’assemblée générale des copropriétaires. Si oui, il doit également déterminer si le fait que la majorité des copropriétaires ont payé cette cotisation empêche les sept copropriétaires d'en réclamer le remboursement.
Les faits selon le Tribunal
L'immeuble est construit en 1981, et en 2007 le syndicat entreprend des travaux majeurs pour préserver la toiture et les murs extérieurs de l'immeuble.
Le conseil d’administration du Syndicat décide de procéder en deux phases. La deuxième phase des travaux et sa cotisation spéciale est contestée par un autre copropriétaire contre qui le syndicat réclame le paiement par une demande à la Cour du Québec. Le Tribunal donne raison au syndicat contre ce copropriétaire en première instance, laquelle décision est subséquemment confirmée par la Cour d'Appel.2
Dans le présent dossier, sept copropriétaires concernés par la première phase des travaux (reconstruction de certains murs et le remplacement d'une partie du toit) paient sous protêt au Syndicat la cotisation spéciale relative aux travaux et réclament le remboursement du paiement effectué.
Le Tribunal comprend qu'avant l’exécution des travaux de cette phase, les copropriétaires ne votent pas pour l’attribution des contrats ni pour l’approbation et l’adoption d’un budget s’y rapportant, mais le conseil d’administration du Syndicat tient une assemblée d’information préalable au cours de laquelle a lieu un vote à main levée qui s’avère favorable aux travaux et à la cotisation spéciale. Il y a également une deuxième réunion d'information peu de temps après.
Analyse
Le Tribunal retient que la cotisation spéciale vise à défrayer les coûts des travaux majeurs de conservation et d'entretien de l'immeuble, et qu'il ne s'agit donc pas de travaux de transformation, d'agrandissement ou d'amélioration des parties communes.
Le Tribunal remarque que les copropriétaires soutiennent qu'un article de la déclaration de copropriété précise que l'assemblée des copropriétaires doit adopter le budget soumis par les administrateurs au moyen d'un vote majoritaire de l'assemblée des copropriétaires.
Toutefois, le Tribunal remarque également qu'un autre article de la déclaration stipule qu'en cas de conflit entre les dispositions de la Loi et la déclaration de copropriété ou ses règlements adoptés en vertu de celle-ci, que les dispositions de la Loi priment.
Le Tribunal rappelle aux parties que la disposition pertinente de la Loi actuellement en vigueur est l'article 1072 du Code civil du Québec, dont le premier alinéa se lit comme suit :
1072. Annuellement, le conseil d'administration fixe, après consultation de l'assemblée des copropriétaires, la contribution de ceux-ci aux charges communes, après avoir déterminé les sommes nécessaires pour faire face aux charges découlant de la copropriété et de l'exploitation de l'immeuble et les sommes à verser au fonds de prévoyance. ….
Le Tribunal partage l'opinion du juge de première instance dans le dossier visant la phase deux à l'effet que l'article 1072 C.c.Q. n'exige pas comme condition de forme la tenue d'un vote à l'occasion de la consultation de l'assemblée des copropriétaires sur le budget.
Le Tribunal est donc d'avis que ce sont les administrateurs qui ont la responsabilité, la compétence et les pouvoirs de fixer la contribution des copropriétaires aux charges communes. Selon le Tribunal, à l'article 1072 C.c.Q., les termes « après consultation de l’assemblée des copropriétaires » ne peuvent signifier « après la tenue d’un vote de l’assemblée des copropriétaires ».
Selon le Tribunal, l'assemblée des copropriétaires est appelée à exercer son pouvoir d'approbation sur d'autres sujets, notamment ceux visés par les articles 1097 et 1098 C.c.Q., mais elle n'est pas appelée à voter sur des travaux de fonds de prévoyance et d'une cotisation spéciale afférente.
Ceci étant, le Tribunal confirme que le conseil d’administration du Syndicat possède le pouvoir de contracter afin de faire exécuter les travaux, et d'émettre une cotisation spéciale si nécessaire, après avoir consulté les copropriétaires sur le budget des travaux, ce que le syndicat à fait à deux reprises.
Toujours selon le Tribunal, l’article 1072 C.c.Q. prévaut sur toute disposition contraire de la déclaration de copropriété, et le conseil d’administration du Syndicat a le pouvoir nécessaire de décider de l’exécution des travaux de conservation, de réparation et d’entretien de l’immeuble et fixe la contribution des copropriétaires aux charges qui en découlent.
Le Tribunal est également d'avis que le fait que la vaste majorité des copropriétaires ont payé la cotisation spéciale que contestent les demandeurs, constitue, en droit, une confirmation des gestes posés par le conseil d’administration du Syndicat. Conséquemment, déclare que les demandeurs sont forclos de remettre en question la validité ou la légalité des contrats accordés et de la cotisation spéciale qui en découle.
Pour ces motifs le Tribunal a donc rejeté les demandes des copropriétaires. Il a exercé en même temps sa discrétion et n'a pas condamné les copropriétaires au paiement des frais judiciaires de la cause.
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1. 2014 QCCQ 12169
2. 2011 QCCQ 2828 (Cour du Québec) et 2012 QCCA 2195 (Cour d'appel)
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