Dans un jugement récent de la Cour du Québec, division des petites créances1, le Tribunal devait décider si le coût d'une réparation de structure de plancher d'un condo devait être assumé par le copropriétaire ou le syndicat.
Un couple, les propriétaires d'une unité dans la copropriété, réclame 246,75 $ pour les dommages affectant la structure du plancher de la salle de bain de leur condominium. Le couple estime qu'il s'agit d'une partie commune, et donc la responsabilité du syndicat des copropriétaires.
La question à résoudre selon le Tribunal
Les réparations effectuées à la structure et aux solives sous la douche de l'unité de condominium appartenant aux demandeurs sont-elles de la responsabilité du syndicat des copropriétaires?
Les faits selon le Tribunal
Le Tribunal tient compte des faits suivants:
En décembre 2010, le couple achète une douche pour remplacer celle qui est installée dans le condominium depuis une vingtaine d'années, et l'installation est effectuée par un entrepreneur professionnel.
En juin 2013, des problèmes surviennent. Des dommages sont causés à l'unité de condominium située en dessous de celle des demandeurs. Le syndicat des copropriétaires enquête sur la situation.
Le syndicat obtient d'un expert en plomberie, un rapport dans lequel on indique que la fuite provient de la base de douche du couple, laquelle est craquée. Le tout doit être remplacé, et dans l'intervalle, les propriétaires ne doivent pas se servir de leur douche.
Estimant que la problématique résulte d'une défectuosité de la douche acquise en 2010, le couple obtient le remplacement de cette douche par le fabricant.
Le couple retient les services du même plombier qu'antérieurement mandaté par le syndicat, pour le remplacement de la douche. La preuve établit que les professionnels de cette entreprise ont retiré la douche de 2010 pour la remplacer par la nouvelle fournie par le couple en 2013.
Le couple débourse 833,57 $ pour ce travail selon la facture mise en preuve.
L'objet de la réclamation du couple est que le plombier a été tenu de procéder à des réparations d’une partie dite «commune» de l'immeuble. En effet, le plombier écrit dans sa facture qu'il a dû solidifier les solives, ce qui a donné lieu à une charge supplémentaire des matériaux et main-d'oeuvre de 246,75$.
Le couple dépose à l'appui de ses prétentions un extrait de la déclaration de copropriété qui mentionne que les dalles de béton ou les planchers de bois situés à l'intérieur des parties privatives ne font pas partie des parties privatives. Ainsi, le couple estime que c'est au syndicat des copropriétaires d'assumer la partie de la réparation aux solives.
Selon le Tribunal, les représentants du syndicat des copropriétaires considèrent que les dommages ont été causés par une mauvaise réparation effectuée en 2010.
En d'autres termes, le syndicat prétend que parce que la douche de l'unité a déjà été remplacée en 2010 et que le travail n'a pas été fait convenablement, cela a causé la totalité des dommages que doivent assumer les demandeurs.
La douche antérieure était là depuis 21 ans et ni l'un ni l'autre des copropriétaires n'ont eu à remplacer les douches ou à faire réparer les solives.
Le syndicat des copropriétaires estime que la problématique a été créée entièrement par la réparation effectuée en 2010 et qu'il ne doit rien assumer.
Le Tribunal a eu l'opportunité d'entendre l'entrepreneur général qui a procédé aux travaux en 2010. Il explique qu'à ce moment-là, il a procédé au remplacement de la douche préfabriquée sans modifier la structure. En fait, c'est qu'on a retiré l'ancienne douche, on l'a remplacée et utilisé les mêmes conduits et les mêmes ouvertures dans la structure.
Selon l'entrepreneur, le problème provient inévitablement de la construction initiale de cet immeuble. Il témoigne que les solives ont été coupées à l'époque au mauvais endroit, créant ainsi une certaine faiblesse dans la structure, ce qui a provoqué la fuite de la douche installée en 2010. Selon lui, ce n'est pas un problème relié à l'installation de 2010, ni même à l'unité de douche proprement dite, mais simplement à la structure et à la configuration des lieux.
Le droit applicable selon le Tribunal
Le Tribunal rappelle aux parties qu'en matière civile, le fardeau de la preuve repose sur les épaules de la partie demanderesse (en l'occurrence le couple) suivant les principes de la simple prépondérance. La partie demanderesse doit présenter au juge une preuve qui surpasse et domine celle de la partie défenderesse. La partie qui assume le fardeau de la preuve doit démontrer que le fait litigieux est non seulement possible, mais probable.
Le Tribunal souligne l'article 1077 du Code civil du Québec, lequel se lit comme suit:
1077. Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de conception ou de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toute action récursoire.
Ainsi, l'obligation du syndicat de copropriété envers chaque propriétaire de réparer les vices de construction des parties communes découle du fait qu'il doit légalement assumer la charge de conservation de l'immeuble selon l'article 1039 du Code civil du Québec.
Le recours d'un copropriétaire contre le syndicat au terme de l'article 1077 C.c.Q. couvre les dommages directs résultant d'un défaut d'entretien, d'un vice de construction ou de conception des parties communes. La faiblesse des solives est un vice de construction datant de la construction originale.
Les parties communes constituent ainsi un patrimoine dit «collectif» et les dommages causés à ce patrimoine engagent la responsabilité du syndicat de copropriété à l'égard du couple.
Ainsi, le Tribunal conclut que le syndicat des copropriétaires est responsable des dommages subis par les demandeurs, c'est-à-dire les coûts de la réparation des solives, et condamne le syndicat à payer au couple la somme de 246,75$, plus intérêts et les frais judiciaires de la demande.