Le locateur est propriétaire d’un immeuble comprenant plus de 200 logements dont celui occupé par le locataire. Le locateur a avisé par écrit les locataires de son intention de modifier le bail, lors du renouvellement, afin de prévoir la suppression du service de climatisation centrale.
La modification a été refusée par plusieurs locataires et le locateur s’est adressé à la Régie du logement en vertu de l’article 1947 C.c.Q. afin qu’elle statue sur la dite modification.
La décision de la Régie du logement
La Régie du logement a refusé la modification. Selon son raisonnement, lorsque les parties signent un bail, elles s’entendent sur toutes les clauses et conditions qui prévaudront durant toute la durée du bail. Lorsque le locateur et le locataire signent un bail, ils savent à quoi s’attendre pour l’avenir puisqu’ils ont prévu d’avance. Le locateur pourra modifier une condition du bail dans le seul cas où il pourrait démontrer des motifs sérieux pour changer l’accord initial. La décision applique le critère énoncé par la Régie dans l’affaire Kilifils c. Miskin :
« Toutefois, la loi prévoit qu’un locateur peut quand même demander que certaines conditions du bail soient changées par la suite. Dans un contexte de consensualisme, le locateur devra démontrer des motifs sérieux pour changer l’accord initial entre les parties. »
Le jugement en appel
Selon la Cour du Québec, le principe de prouver un préjudice sérieux entraîne des conséquences importantes puisque le droit au maintien dans les lieux peut être perpétuel étant donné qu’il survit même au décès du locataire.
Selon le tribunal, il est facile d’imaginer des situations où une partie pourrait souhaiter modifier un bail négocié cinq, dix ou même trente ans auparavant et ce, même si la condition visée ne lui cause pas un préjudice sérieux.
La Régie du logement a déjà décidé que le législateur n’aurait pas permis la modification d’une condition du bail s’il avait voulu que l’entente initiale soit immuable :
« Le droit d’utiliser exclusivement un accessoire depuis plusieurs années n’est jamais une garantie absolue de maintien du statu quo pour l’avenir, sinon, à quoi serviraient les articles 1947 et 1952 du Code civil du Québec, qui permettent de modifier un bail. Une modification accordée est justement toujours une brèche dans les droits acquis du locataire, que ce soit un transfert de coûts de chauffage, le retrait d’un espace de stationnement, d’un garage ou d’une remise. »
Selon le juge de la Cour du Québec, le Tribunal n’a pas à décider si la modification est « juste et raisonnable » ni si « le maintien des conditions du bail causera un préjudice », ni si la modification est « valable » ou « justifiée » ni si « la balance des inconvénients » penche en faveur de l’une ou l’autre des parties.
Puisque le législateur n’a pas énoncé de critère à l’article 1947 C.c.Q, le Tribunal convient qu’une demande de modification d’une condition du bail doit être décidée en fonction de l’objectif visé par les articles 1936 C.c.Q. et suivants, soit le maintien du locataire dans les lieux.
Le réponse à la question posée par le titre du présent article est celle-ci :
« La modification doit être autorisée si la preuve prépondérante est à l’effet qu’elle n’aura pas pour conséquence d’obliger le locataire à déménager. Cependant les inconvénients qui résultent de la modification doivent être pris en compte dans la détermination du montant du loyer tel que prévu à l’article 1952 C.c. Q. »
Selon la preuve présentée, il est possible pour les locataires de climatiser leur logement au moyen d’appareil ou de systèmes individuels.
En résumé, on constate que la climatisation est essentielle mais que les faits prouvés ne permettent pas de conclure que les locataires seront forcés de déménager si la modification est autorisée. La Cour accueille l’appel et renverse la décision de la Régie du logement et retourne le dossier à la Régie pour déterminer la diminution du loyer à cause de la perte du service.
1. KILIFILS c. MISKIN (1997) J.L. 200 (C.Q.)
2. FORTET c. MCNICOLL (2003) J.L. 315, P. 316
3. SOCIETÉ 3505 STE FAMILLE INC. c. POIRIER . C.Q. 500-80-003881-043 juge Bousquet p. 9 et 10