Les membres de l’Association des Propriétaires du Québec (APQ) sont représentatifs du marché locatif résidentiel au Québec. Nous avons de grands propriétaires, mais aussi beaucoup de petits propriétaires d'immeuble.
Cette particularité de notre situation en fait aussi sa richesse : nous avons de beaux immeubles de grande taille avec les services complets qui accompagnent souvent ce type d’immeubles et nous avons aussi une multitude de petits propriétaires qui ont un, deux ou trois logements à louer. L'impact d'un mois non payé pour un de ces propriétaires est souvent important, car ils ont également des obligations financières à remplir chez leur institution financière, des réparations à faire dans leurs logements.
Les propriétaires doivent déjà composer avec un système juridique exorbitant du droit commun. Le locataire est protégé par une foule de dispositions légales favorisant son maintien dans lieux. Le loyer est contrôlé de façon beaucoup trop stricte pour permettre au marché d’évoluer normalement.
Délais déjà trop longs : l’aventure du propriétaire mal pris
Pour un propriétaire qui doit vivre une situation de non-paiement de loyer, la situation est déjà difficile. La banque, elle, n’attend pas. Les villes et les fournisseurs n’attendent pas non plus. Le propriétaire, lui, doit attendre. Déjà, il devra attendre trois semaines pour introduire devant la Régie du Logement une demande de résiliation de bail pour cause de non-paiement de loyer (article 1971 du Code civil du Québec) qui est une des demandes en résiliation les plus courantes. Il devra ensuite attendre de recevoir l’avis d’audition devant la Régie de logement, souvent six semaines. Le locataire sera-t-il présent, ou devrons-nous retourner à la Régie du Logement pour une demande de rétractation sous prétexte qu’un imprévu l’a empêché de se présenter ? Dans le meilleur des mondes, l’audition se déroulera à la date prévue. Le locataire pourra cependant éviter la résiliation du bail en payant la somme due en capital, intérêts et frais avant que la décision ne soit rendue que ce soit la journée de l'audience ou après.
Environ deux semaines plus tard, le propriétaire reçoit la décision. C’est fini? Eh bien non, bien que les propriétaires aimeraient le croire, avec respect, il faut encore prendre avocat ou huissier pour faire exécuter la décision. Alors que le compte de banque est déjà dégarni par les dépenses et souffre de n'avoir aucun loyer qui entre, il faudra faire un chèque. Incluant l’émission du bref d’expulsion, l’huissier et peut-être l’avocat en plus du déménageur à nos frais si le locataire n’est pas parti, la facture, si nous sommes chanceux, avoisinera la rondelette somme de 1000.00$.
Un propriétaire a donc perdu souvent trois mois en temps et en loyer dans le processus, en plus de frais, ce qui représente d'ores et déjà une perte que l'Association des propriétaires du Québec (APQ) juge inacceptable. L’aventure est-elle terminée ? Pas vraiment, car il faut désormais se questionner à savoir dans quel état le locataire évincé aura laissé son logement. Nous devons maintenant le relouer, souvent hors saison, il demeurera vide plusieurs mois avant de trouver preneur, surtout dans les régions où le taux d'inoccupation est plus critique.
Des droits vous dites ?
Les propriétaires ont des droits. C’est vrai. Nous avons maintenant une décision de la Régie du Logement. Le locataire a finalement quitté, il faut maintenant tenter de recouvrer les sommes perdues et cette opération est loin d’être évidente. Il faut évidemment retrouver notre ancien locataire et qu’il soit saisissable, ce qui n’arrive que trop peu. Encore des frais à l’horizon et certainement une fin qui risque d’être empreinte de frustration et de déception.
L’article 692 – long et couteux
Un propriétaire doit ouvrir son dossier le plus rapidement possible pour minimiser ses pertes, tout est une question de temps. Comment la minimisation de ses dommages est-elle possible dans un tel cadre où un simple processus de résiliation de bail et éviction pourrait maintenant prendre de 6 à 8 mois, sachant pertinemment dans certains cas les créances impossibles à recouvrer. Il s'agit déjà de pertes importantes pour les propriétaires.
Actuellement, la loi prévoit, à l'article 565 du Code de procédure civile, que le bref d'expulsion doit être précédé d'un préavis d'au moins deux jours juridiques francs.
L'article 692 du Projet de loi n° 28, Loi instituant le nouveau Code de procédure civile :
« 692. Lorsque la partie condamnée à livrer ou à délaisser un bien ne s’exécute pas dans le délai imparti par le jugement ou par une convention subséquente entre les parties, le créancier du jugement ordonnant l’expulsion du débiteur ou l’enlèvement des biens peut être mis en possession par l’avis d’exécution.
Cet avis, lorsqu’il vise l’expulsion, est signifié au moins cinq jours avant
son exécution. Il ordonne au débiteur de retirer ses meubles dans le délai qu’il
indique ou de payer les frais engagés pour ce faire.
Cependant, si l’avis concerne la résidence familiale du débiteur, ce délai
doit être d’au moins 30 jours; le tribunal peut, à la demande du débiteur,
prolonger ce délai d’au plus trois mois, dans le cas où l’expulsion lui causerait
un préjudice grave. Aucune prolongation ne peut valoir au-delà du terme du
bail, le cas échéant. Aucune expulsion n’a lieu pendant la période du 20 décembre au 10 janvier. »
Nous sommes grandement préoccupés par le message que cette disposition lance tant aux propriétaires qu’aux locataires. Un message qui laisse penser qu’il faut prendre à la légère les obligations contractées par le locataire. Ce message qui, indubitablement, attirera l’attention de certains locataires qui tenteront d’abuser encore plus de la situation et qui, directement, découragera le propriétaire d’immeuble et l’investisseur de poursuivre ou de débuter la détention d’un immeuble locatif au Québec. Les locataires qui attendront une exécution forcée savent généralement que le propriétaire ne pourra pas leur réclamer ces frais, ni les pertes de loyer pendant qu'il reste dans le logement sans payer.
Un avis de 5 jours pris isolément ne fait pas sourciller, mais quand on l’ajoute aux avis verbaux, à une lettre, à une demande à la Régie, à l’audition devant la Régie du logement, à la réception de la décision rendue par la Régie, à l’expiration du délai de 10 ou de 30 jours avant que la décision ne soit exécutoire, c’est différent !
De plus, lorsqu'il s'agit d'une résidence familiale, ce qui est le cas de plusieurs de nos logements, l’avis de 30 jours s’ajoute au délai de 30 jours déjà octroyé au locataire pour l’appel de la décision rendue par la Régie du Logement. Cela ne fait qu’accentuer le déséquilibre entre les obligations du propriétaire et les protections accordées au locataire.
Le seul fait que le locataire puisse ensuite prolonger le débat en faisant une demande pour prolonger ce délai est, selon l'Association des propriétaires du Québec (APQ), inadmissible. Sans parler de l’encombrement des Palais de justice, le seul fait que le propriétaire doive à nouveau prendre congé de son travail pour se présenter devant le tribunal est en soi inacceptable.
De plus, cette demande de prolongation d'au plus trois mois ne se fera pas sur les bancs de la Régie du logement. Donner un large pouvoir de décision à un autre tribunal que la Régie du logement quant aux délais d’exécution de leurs propres décisions diminuera l’importance de l’appréciation du préjudice subi par le propriétaire que le juge doit prendre en compte lorsqu’il rend une décision sur le délai d’exécution. L'Association des Propriétaires du Québec (APQ) est d'avis que ce pouvoir rendra cette appréciation presque inutile sachant qu’elle pourrait être modifiée de plusieurs façons par la Cour du Québec. L'Association des Propriétaires du Québec (APQ) se questionne également sur les délais d'attente pour une décision pour prolonger des délais pour l'exécution du jugement.
«Aucune prolongation ne peut valoir au-delà du terme du bail, le cas échéant.»
L'Association des propriétaires du Québec (APQ) se questionne sur l'application d'une telle mention, puisque le bail résidentiel se renouvelle de plein droit et seul le locataire peut mettre un terme à cette reconduction par un avis de non-renouvellement. Nous calculons que toutes ces modifications font en sorte qu'un locataire pourrait loger sans payer un sous dans un logement pendant près d'un an pour une demande de résiliation pour cause de non-paiement, alors qu'à la base, il s'agit à la Régie du logement d'une des causes où le délai est le plus court dû à sa priorité. Nous estimons qu'il manque de concordance entre ce que tente d'appliquer la Régie du logement et cette disposition.