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Les dommages causés par un bien: la responsabilité du copropriétaire est engagée

Les dommages causés par un bien: la responsabilité du copropriétaire est engagée

Les propriétaires d'unités de copropriété divise se doivent de connaître les règles entourant leur responsabilité civile à titre de propriétaire du bien qu'est l'unité d'habitation, ainsi que des biens meubles qui se trouvent à l'intérieur de celle-ci. Ces règles peuvent déroger au régime de droit commun contenu dans le Code civil du Québec.

La responsabilité du propriétaire ou du gardien d'un bien.

La règle de l'article 1465 du Code civil du Québec indique: «1465. Le gardien d'un bien est tenu de réparer le préjudice causé par le fait autonome de celui-ci, à moins qu'il prouve n'avoir commis aucune faute.»

Cet article a donc pour effet de rendre responsable le propriétaire d'un bien qui cause un dommage à un tiers. Toutefois, ce même article donne au propriétaire un moyen de défense basé sur l'absence de faute lorsqu'il s'agit du fait «autonome» du bien. De ce fait le propriétaire doit être en mesure de prouver qu'il ne s'est pas servi du bien ou gardé le bien imprudemment au point de constituer une faute, ou bien qu'il n'a pas manqué à l'entretien de celui-ci de manière à provoquer un mauvais fonctionnement ou une détérioration qui entraînent par la suite un dommage.

À l'heure actuelle, la jurisprudence émanant des tribunaux sur la question n'est pas constante et fait l'objet d'une controverse.

L'application en copropriété divise

Tant les membres du conseil d'administration que le gestionnaire de l'immeuble peuvent être confrontés à de diverses situations:
Exemple de la lessiveuse d'un copropriétaire qui déborde pour des raisons nébuleuses, causant ainsi des dommages importants à l'unité du copropriétaire, à celle des autres copropriétaires et aux parties communes. Le syndicat de copropriété tient le copropriétaire responsable des dommages causés, et selon l'envergure des dommages, la responsabilité du copropriétaire pourra se limiter au montant de la franchise d'assurance du syndicat en cas d'une réclamation, ou pour la totalité des dommages lorsque ceux-ci se chiffrent en bas du montant de cette franchise. Dans l'un ou l'autre des cas, le copropriétaire peut choisir de transmettre la réclamation des dommages à son assureur.

Le bon cheminement du dossier sans tracas à partir de ce point dépendra de la reconnaissance par l'assureur du copropriétaire que la responsabilité civile du copropriétaire assuré sera engagée dans la majorité des cas, en raison des dispositions de la déclaration de copropriété, et non pas par le régime général de l'article 1465 C.c.Q. La majorité des déclarations de copropriété comprennent des dispositions, lesquelles sont de nature contractuelle, qui ont pour effet de rendre les copropriétaires responsables des dommages causés à l'immeuble. Voici un exemple d'une clause type fréquemment rencontrée:

«Responsabilité: - Chaque copropriétaire est responsable, à l'égard des autres copropriétaires, des conséquences dommageables de ses actes ou de sa négligence et/ou ceux de ses préposés, locataires, invités ou membres de sa famille, ou des dommages causés par un bien dont il est légalement responsable.»
Il arrive que le copropriétaire dont la responsabilité civile est recherchée, ou son assureur, ne connaissent pas l'existence de ce type de clause contenue à la déclaration de copropriété. Dans bien des cas, et lorsque le syndicat attirera l'attention du copropriétaire et/ou de son assureur quant à l'existence de celle-ci, le copropriétaire et son assureur reconnaîtront leur responsabilité et dédommageront le syndicat pour le coût des travaux de réparation.

Dans d'autres cas, le copropriétaire et son assureur insisteront sur l'application de l'article 1465 C.c.Q., surtout dans les cas d'un mauvais fonctionnement du bien en question. Ils soulèveront l'argument de n'avoir commis aucune faute au niveau de l'utilisation de l'appareil ou de son entretien. Dans ce cas le copropriétaire et son assureur nieront toute responsabilité et refuseront de verser quelque somme que ce soit au syndicat pour la réparation des dommages que le syndicat a le devoir d'exécuter. Face à ce refus, le syndicat n'aura pas d'autre alternative que de financer le coût des travaux à même les fonds de la copropriété. Toutefois, un jugement de la Cour du Québec, division des Petites Créances dans l'affaire de Syndicat des copropriétaires «Le Condo» 1820 c. Boyer et Desjardins Assurances Générales1 semble fermer la porte à la défense de l'absence de faute du propriétaire du bien lorsque celui-ci est copropriétaire.

Dans cette affaire, la toilette du copropriétaire s'est fissurée et a provoqué des dommages importants à cinq unités de l'immeuble de la copropriété. Le syndicat fut indemnisé par son propre assureur pour les dommages causés, mais poursuivait le copropriétaire en dommages pour la franchise d'assurance de 2500$ qu'il a dû assumer, ce qui est d'ailleurs permis par sa déclaration de copropriété et la jurisprudence. En défense, le copropriétaire et son assureur ont invoqué la défense prévue à l'article 1465 C.c.Q., c'est à dire l'absence de faute car ce n'était pas le copropriétaire qui avait fissurée la toilette.

Pour sa part, le syndicat plaidait que la responsabilité du copropriétaire était engagée en raison d'une clause de la déclaration de copropriété identique à celle citée plus haut, laquelle est de nature contractuelle.

Dans son jugement, le Tribunal affirme: «...dans les circonstances de la présente affaire, la notion de faute n'est pas en cause et la controverse jurisprudentielle entourant l'interprétation de l'article 1465 C.c.Q. n'est pas pertinente. En effet, dans la déclaration de copropriété, chaque copropriétaire a convenu d'assumer la responsabilité des dommages causés par un bien dont il est légalement responsable.»

À la lumière de ce jugement, il semble maintenant claire que la responsabilité d'un copropriétaire pour les dommages causés par l'un de ses biens (responsabilité fondée sur la nature contractuelle de la déclaration de copropriété, laquelle est opposable à tous les copropriétaires) ne puisse faire l'objet d'une défense fondée sur l'absence de faute.

Par contre, comme le contenu de la déclaration de copropriété peut varier, ainsi que la rédaction même des clauses de ce genre, une vérification de votre déclaration de copropriété s'impose.


Note 1: 12 février 2010, l'Honorable Gérald Locas, J.C.Q, 2010 QCCQ 1793

Me Kevin J. Lebeau, avocat

Diplômé de l'Université McGill (B.A.) et l'Université de Montréal (LL.B.), Me Lebeau est membre du Barreau du Québec depuis 2000.

Depuis 2001, il a exercé en droit immobilier avec concentration en droit de la copropriété dans plusieurs contextes, dont en milieu d'association, en société et en contentieux d'entreprise au sein d'une firme de gestion se spécialisant dans la gestion des copropriétés divise, Gestion Immobilière Ges-Mar Inc. Me Lebeau est également conseiller juridique aux membres d'Avantages Condo.

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