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Des locataires pourraient avoir à payer pour les refus déraisonnables d'augmentations de loyer

Des locataires pourraient avoir à payer pour les refus déraisonnables d'augmentations de loyer

Avec l’inflation, la réduction des logements disponibles et l’augmentation des taux applicables au calcul de l’augmentation de loyer en vertu du Règlement sur les critères de fixation de loyer (Règlement), il est normal de voir des hausses de loyer plus importantes que ce à quoi nous avons été habitués par le passé. Comme conséquence, les locataires risquent d’être plus nombreux à refuser l’augmentation qui leur est proposée. En effet, la loi prévoit le droit pour le locataire de refuser, dans le mois de la réception d’un avis de modification de bail, les modifications qui y sont prévues, tout en renouvelant son bail. Il reviendra ensuite au locateur de faire la demande au Tribunal administratif du logement (TAL) afin de faire fixer le loyer ou statuer sur toute autre modification des conditions du bail (1).

Le Tribunal a alors peu de marge de manœuvre lors de la fixation de loyer, car il applique le calcul prévu au Règlement. Il revient alors au locateur de prouver les dépenses qu’il aura inscrites au « Formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer» à l’aide des pièces justificatives et des factures pertinentes.
Évidemment, l'ouverture de dossier au TAL engendre des frais. Le principe applicable en matière de fixation de loyer est que ce soit locateur qui assume les frais entourant sa demande de fixation (2).

Si le locateur demande toutefois à ce que ces frais soient assumés par le locataire, certains jugements sont venus autoriser la condamnation du locataire aux frais, en certaines circonstances très précises seulement. Ces critères sont cumulatifs :
- L’ajustement autorisé par le tribunal doit être égal ou supérieur au montant demandé dans l’avis d’augmentation de loyer;
- Le locataire a usé de son droit de refus de manière déraisonnable.

On considère que le locataire a usé de son doit de façon déraisonnable dans les circonstances suivantes : « Ainsi, un locataire qui disposait des renseignements pertinents au calcul de l’augmentation lui permettant de prendre une décision éclairée relativement à la proposition d’augmentation ou qui aurait refusé systématiquement toute négociation ou discussion avec le locateur pourrait être condamné à rembourser au locateur les frais payés par ce dernier pour l’introduction de la demande, de même que certains coûts associés à sa signification» (3).

De ce fait, si le locateur a permis au locataire de constater le bien-fondé de l’augmentation avant d’avoir produit sa demande au Tribunal et lui a permis de vérifier dans une mesure raisonnable certaines factures, il a des chances de se voir rembourser les frais de la demande. Également, il revient au locateur de prouver le refus déraisonnable dans les circonstances. Ces critères ne sont toutefois pas absolus, comme l'explique le juge dans l'extrait suivant : « Aussi, y a-t-il des cas où les locataires devront rembourser les frais de la demande au locateur ou une partie de ceux-ci même s’ils n’ont pas reçu la grille de calcul ou les factures et à l’inverse, il y a des cas où le locateur doive assumer les frais même si le montant de loyer suggéré est confirmé par le Tribunal et qu’il avait envoyé la grille de calcul au locataire et offert de lui montrer ses factures5 » (4).

Le TAL pourrait donc avoir à considérer les éléments suivants dans sa décision : « la récurrence des refus par un locataire alors que le locateur a obtenu par le Tribunal dans le passé confirmation du montant de loyer qu’il demandait, la complexité des documents et des factures qui pourrait justifier l’ajustement demandé, l’attitude des parties lors des renouvellements du bail ainsi que l’importance du montant de l’ajustement de loyer demandé. Il peut aussi y avoir d’autres modifications demandées par la locatrice dans son avis de renouvellement du bail.» (5).

C'est ainsi qu'on peut voir dans les conclusions, à la lecture de certains jugements récents, ce type d'énoncé : « CONDAMNE le locataire à payer la somme de 107,00 $ en remboursement des frais de la demande et de sa notification».


(1) Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, art.1945 et 1947;
(2) Cour du Jardin inc. c. Pordes, 2024 QCTAL 3997;
(3) Cour du Jardin inc. c. Pordes, 2024 QCTAL 3997 au para. 29, citant Warren c. Lamothe, 2013 CanLII 132138 (QC RDL);
(4) Habitations du Trentenaire de la Shapem c. Bamba, 2024 QCTAL 4175, au para 18;
(5) Idem, au para. 17.

Me Annie Lapointe

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