La légalisation du cannabis est entrée en vigueur le 17 octobre dernier et au Québec il est interdit de cultiver du cannabis à domicile. Mais dans la loi fédérale il est permis de cultiver 4 plants par logement.
On apprenait que déjà quelques jours après, Janick Murray-Hall, résident de Québec, avait adressé une demande à la Cour supérieure afin d'invalider deux articles de la loi québécoise, Loi constituant la Société québécoise du cannabis, édictant la Loi encadrant le cannabis et modifiant diverses dispositions en matière de sécurité routière.
Mais même si cette requête mettra des années avant d'obtenir un jugement final dans cette affaire, les propriétaires de logements sont tout de même inquiets.
Comme n'importe quelle demande à la Cour, personne ne peut présager du jugement final rendu.
En décembre 2017, L'Association des Propriétaires du Québec (APQ) était allée en commission parlementaire, Commission de la santé et des services sociaux Québec, pour faire valoir ce point, soit l'interdiction de produire du cannabis dans nos immeubles.
Tout d'abord, l'APQ est d'avis que la légalisation du cannabis engendre des enjeux que le gouvernement fédéral n'a pas étudiés, ou omis de prendre en considération dans l'élaboration de sa loi. Les préoccupations de l'APQ concernent surtout la consommation du cannabis qui deviendrait légale, ainsi que la culture par les ménages, dans l'optique où cette consommation et cette culture se feraient dans des immeubles à logements.
L'APQ ne peut que souhaiter de conserver cette disposition par la Cour supérieure, vu les risques pour l'intégrité des immeubles, qui peuvent résulter tant en des pertes financières importantes pour les propriétaires, qu'en dommages pour la santé des autres occupants.
En interdisant la culture personnelle en la catégorisant d'infraction, cela interdit la possibilité de culture de cannabis à l'intérieur même des logements, ce qui faisait craindre aux propriétaires d'immeubles à revenus des risques multiples pour l'intégrité des bâtiments, risques qui ne semblent pas avoir été pris en considération au fédéral.
Voici quelques points exposés lors de notre passage :
Certaines compagnies d'assurance refusent de couvrir en cas d'utilisation de drogues dans un logement. En cas de connaissance de ce fait, la police peut être annulée 1.
Dans un article de presse traitant d'un cas où le locataire était autorisé à cultiver à des fins médicales jusqu'à 60 plants de cannabis, un propriétaire de la Colombie-Britannique a quand même vu sa couverture d'assurance être annulée : «Le Bureau d’assurance du Canada défend que la majorité des compagnies d’assurance ne couvrent pas les dommages associés à la culture de cannabis. « Bien que des lois permettent la culture de marijuana à des fins médicales, cela ne change pas le fait qu’elle pose des risques élevés pour les maisons et les condos », explique le porte-parole de l'organisme, Andrey McGrath» 2.
Selon le Bureau d'assurance du Canada, une culture de cannabis peut amener des dommages, tel que la modification des installations électriques en place, ce qui augmente les risques d'incendie 3. En effet, le Québec n'étant pas propice à une culture extérieure à l'année et vu les réalités de la vie en logement offrant peu d'accès extérieur exclusif à une personne, plusieurs se tourneraient vers la production à l'intérieur de leur logement. Selon la Sûreté du Québec, le principal danger de ces installations intérieures est le risque d’incendie qu’elles posent, non seulement pour l’habitation en cause, mais également pour les maisons et logements voisins. « Ce risque découle de la très forte consommation d’électricité nécessaire à la culture ainsi que des modifications illégales et souvent dangereuses apportées aux installations électriques, parfois par des amateurs » 4.
Une telle législation ne ferait qu'ouvrir la porte aux excès. Dans un cas, bien que le permis était expiré depuis peu, un locataire cultivait 58 plants plutôt que les 15 permis 5, causant ainsi un dégât d'eau et l'effondrement d'un plafond, un système électrique modifié et dangereux posant des risques d'incendie, menaçant la santé ou la vie des autres locataires, et des factures d'électricité à la hausse.
Selon une publication de l'Institut national de santé publique du Québec, les conditions de la culture de cannabis à l'intérieur sont propices à la contamination fongique. Lorsqu'on utilise des systèmes hydroponiques ou aéroponiques, le taux d’humidité augmente, variant de 40 à 90 % (la plupart du temps autour de 85 %) 6.
Selon la même source, la culture du cannabis exige un éclairage puissant, soit plusieurs lampes de 1 000 watts combinées à des températures élevées variant de 25 à 28°C. Ainsi, selon l'Institut national de santé publique du Québec, ces conditions optimales à la culture de la marijuana, le sont tout autant pour la propagation des moisissures.
Une courte durée peut causer autant de dommages qu'une culture s'étendant sur plusieurs mois : « En effet, la présence excessive et constante d’humidité dans l’air et sur les matériaux pendant plus de 48 heures, comme on le retrouve dans les cas de culture de cannabis, favorise l’incubation et la croissance de moisissures » 7.
Dans un cas existant au Québec, dans un bloc de 31 petits logements sur 4 étages, soit des 1½ d'environ 400 pieds carrés chacun, la législation prévoirait ainsi la possibilité de faire pousser jusqu'à 124 plants d'au maximum 1 mètre de façon légale, sur une superficie de 14400 pieds carrés.
Pour l'APQ, il semble qu'il y aurait une incongruité entre le droit de produire du cannabis et le droit de propriété ou non du logement ou de l'immeuble dans lequel on veut le cultiver. Si le producteur était le propriétaire, il en subirait les conséquences et inconvénients si le mode de production et la quantité choisis causent des dommages à son immeuble. Une personne ne détenant pas de droit de propriété ne devrait pas avoir cette latitude qui engendre de grands risques.
Rappelons le contexte particulier du Québec, qui est la seule province au pays à interdire toute forme de dépôt pour la location d'un logement. Cette particularité a pour conséquence de favoriser l'insouciance de certains locataires tout au long de leur séjour, créant un constat lamentable au moment du départ du logement.
L'APQ suivra l'évolution de cette demande en Cour et vous tiendra au courant.
(1) Manso (Succession de) c. Thibodeau, 2013 QCRDL 41457.
(2) Rosa Marchitelli, Pas d'assurance habitation pour un propriétaire dont le locataire fait pousser du cannabis médicinal, Radio-Canada, sect. Société, 27 février 2017, en ligne: < http://ici. radio-canada.ca/nouvelle/1019303/assurance-marijuana-medicale-kamloops >.
(3) Conseils d'assurance à l'intention des propriétaires de logements, Bureau d'Assurance du Canada, 2011, en ligne: < http://assets.ibc.ca/Documents/Brochures/FR/Ins-tips-res-landlords- FR.pdf> (consulté le 22 mai 2017).
(4) Sûreté du Québec, Cisaille 2.0: les productions intérieures, Gouvernement du Québec, en ligne: <http://www.sq.gouv.qc.ca/prevenir-la-criminalite/programmes/programme-cisaille.jsp> (consulté le 10 mai 2017).
(5) Longueuil (OMH de) c. MacDonald, 2013 QCRDL 17141.
(6) Marie-Alix d’Halewyn, Contamination des maisons utilisées pour la culture de marijuana par les moisissures, Centre d'expertise et de référence en santé publique, Institut national de santé publique du Québec, 14 décembre 2006, en ligne: < https://www.inspq.qc.ca/bise/contamination-des-maisons-utilisees-pour-la-culture-de- marijuana-par-les-moisissures > (consulté le 22 mai 2017).
(7) Benjel Chimistes conseil Inc., Moisissures et humidité, Cas particulier : Maison de culture hydroponique (Cannabis), en ligne: < http://www.benjel.ca/cannabis.php> (consulté le 22 mai 2017).
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